"Mel Gibson s'est fait prendre en état d'ivresse", me dit une proche, qui ajoute "mais pourquoi donc est-ce qu'ils boivent, ces gens-là?" Elle semblait dire: ces gens qui ont tout pour être heureux; qui ont le bonheur conforme au bonheur idéal ou standard, réussite, etc.
Tu veux savoir pourquoi ils boivent? Et surtout pourquoi il est rassurant qu'ils boivent?
Ils boivent parce qu'ils ont obtenu tous les signes de la réussite qu'ils briguaient, et qu'étant superficiels, ils ont donc tout ce qu'ils voulaient. Ils sont identiques à eux-mêmes, à l'image convoitée. Alors ils n'ont plus rien à vouloir. Et ça c'est déprimant. Donc si leur bonheur même les déprime, il faut trouver une issue. Heureusement, la part d'eux-mêmes qui n'est pas totalement superficielle a envie de s'exprimer, d'objecter. Comme elle ne peut pas, censure oblige, il faut bien se soûler, se "péter" la gueule pour que celle-ci puisse dire quelque chose qui lui tient à cœur. Sinon c'est l'étouffement total, la mort. Donc ils se soûlent pour se donner des signes de vie, tu comprends?
Du reste, dans la soûlerie c'est un peu de leur vérité qui sort. Car qu'est-ce qu'il a dit, Mel Gibson, pris en état d'ivresse? Il a tenu des propos antisémites. Comme si sa haine des Juifs qu'il exprimait dans son film sur Jésus était encore trop refoulée, trop mal. Alors elle est sortie, en force. En même temps, cela lui a permis de s'excuser auprès des Juifs, de demander pardon, pas de son film mais de ces propos. Et quelle autre occasion aurait-il eu de demander pardon aux Juifs, sinon en se soûlant? Donc il a fait d'une pierre (ou plutôt d'une soûlerie trois coups: être un peu vrai à ses yeux, lâcher quelques ordures qu'il contient et demander pardon pur ça. C'est plutôt rentable.
Cela donne quand même à réfléchir sur les gens qui se shootent et surtout les ivrognes: ils veulent s'offrir non pas un coup dans le nez mais un petit coup de vérité. L'ennui c'est qu'ils se l'offrent dans un état où la vérité qu'ils énoncent, ils ne peuvent rien en faire, surtout pas l'assumer. C'est comme ceux qui se suicident pour se donner un coup de vie total et authentique; s'ils pouvaient vivre juste après pour en bénéficier, ce serait un bon coup. L'ennui c'est que, de cette autre vie qu'ils se donnent, ils n'en reviennent pas. C'est pourquoi aussi il y a tant de suicides ratés.
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