Depuis que je vois défiler des pages de pub RATP pour la mobilité, contre le stationnement dans les couloirs de bus, une histoire de RATP survenue à un jeune homme de mes proches me revient et insiste. Il était avec un copain vers minuit à la station Opéra du RER et ils attendaient un troisième qui prenait son billet et qui tardait. Un premier homme musclé les aborde, et les contrôle. Ils sont en règle, ayant un ticket annuel. Trois minutes plus tard, le même s'approche, montre sa carte et les rabat vers un contrôleur qui les verbalise pour… délit de stationnement. Ils sont très étonnés, ils ignoraient qu'attendre un tiers dans une station quasi déserte était un délit de "stationnement". Mais c'est ainsi. Comble d'arbitraire, l'un des deux s'est fait retirer plus tard la contravention, et l'autre pas, alors qu'ils avaient commis le même "délit": "obstruction" au passage des usagers.
Ce délit est nouveau. Ainsi, on ne pourra plus attendre l'être aimé en lisant, pendant que les rames défilent, avant l'éblouissement soudain de voir son corps jaillir, en tête ou en queue. On ne pourra plus, sauf si on est une bande de jeunes "durs" des banlieues, dont la seule présence dissuade pour les agents peu nombreux. C'est d'ailleurs là une autre leçon - sur le thème de la lâcheté - qu'ils ont donnée à nos deux jeunes très calmes, presque bcbg, qui attendaient et qu'il n'y avait aucun risque à verbaliser. (Il m'arrive aussi de voir, dans les beaux quartiers, des forces de l'ordre contrôler, à quatre ou cinq, un jeune homme en mobylette ou un couple défait.)
Celui des deux qui a dû payer l'amende en a gardé une pointe d'amertume qui je suis sûr lui fera du bien, et lui rappellera l'arbitraire intermittent des tenants de la loi. Et si c'était tombé sur un jeune plus démuni, pour qui payer 67 euros (c'est le prix) est énorme? La rage qu'il en aurait eue l'aurait amené à se venger, par exemple à "dégrader", ou à se mettre avec d'autres pour attaquer un agent, ou un conducteur isolé. Donc la pub RATP que je lis aujourd'hui, en dernière page de Libé (17/10/06), qui mentionne "Un peu plus de respect mutuel, de courtoisie et de convivialité, un peu moins de dégradations, de violences verbales…" est une simple éructation de l'ordre des "trucs psychologiques" pour tromper le monde, avec de l'"humour" en plus - puisque la pub commence ainsi: "chaque jour nous sommes dix millions de franciliens à emprunter les transports en commun…" et c'est signé RATP. Elle parle pour nous, il y a un nous solidaire, on est ensemble; cela rappelle les slogans de l'ex-URSS, comment peut-on dégrader "notre" matériel? celui du "peuple", des "usagers" Et on vous invite au dialogue, sur le site "objectif-respect" - "tous à vos claviers!". S'ils camouflent si mal leur mépris des autres, ne faut-il pas simplement qu'ils changent leur équipe de conseil psychologique?
Bien sûr, il n'y a pas à s'indigner. Pourtant une fibre en moi s'indigne… et se console: ceux qui sont victimes savent réagir, et soulagent comme ils peuvent leur désir de justice, leur impuissance à l'obtenir. Espérons qu'une fois la vengeance accomplie, ils n'en restent pas là, car ils seraient vraiment victimes. En attendant (mais quoi?), la guerre entre des jeunes et des "agents" restera le signe vivant d'un dialogue impossible.
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