Cela m'est resté comme un don, je ne
savais pas que je l’avais, il m’a été révélé, on peut même dire donné
par ceux qui en ont bénéficié, des mourants que j’aimais bien : j’ai plus
d’une fois réussi à les faire rire le jour même de leur mort; un peu avant… C’est
peut-être le symbole d’un acte plus simple et plus nécessaire : faire rire
les "mourants" qui sont en circulation, qui ne savent pas qu’ils sont
encore vivants, plus vivants qu’ils ne pensent. Les faire rire juste pour
marquer le coup, pour faire interruption dans leur mourance complaisante
et prolongée.
Tout
cela "vient" de ce qu’un jour, enfant, étant allé voir ma grand’mère,
j’avais l'idée de la faire rire. Or elle était mourante, et je suis arrivé trop
tard; en fait, elle était déjà morte et l'idée drôle a coulé de moi comme un
jus inutile, et a fait rire ceux qui étaient là et qui pleuraient cette mort.
On m’a pris pour un drôle: faire rire les gens qui pleurent dans la maison des
mourants! Mais mon projet était de la faire rire, elle. Et elle ne m’avait pas
attendu; cela s'appelle un contretemps.