Je le lui avais dit une fois, mais elle l'avait
oublié, qu'il y a parfois très peu de la déprime à la jubilation. Et
l’autre jour elle déclare: « Voilà, je me suis réveillée ce matin, très
tôt, et je n’arrivais pas à me lever. Je me suis bien dit que j’aurais dû avoir
à mon chevet la Métamorphose
de Kafka, car c’était tout à fait
ça, mais je ne l’avais pas. J’aurais dû avoir aussi un livre… de quoi ? des
Psaumes, peut-être? pour appeler Dieu des profondeurs de ma détresse? Je ne
l’avais pas non plus. En tous cas, je me suis dit: "Pourquoi se lever,
à quoi bon, pour faire quoi, et pour qui ? C’était le vide total et au
moment où il allait me submerger, je ne sais quoi s’est produit dans mon corps.
Une pensée, une poussée très légère, je me suis entendue dire : « Je
suis si bien ici à me rouler sous les draps". Et je me suis lovée sur
moi-même, au lieu de me lever; j’étais bien. Soudain tout le reste est apparu
non pas comme vide de sens mais comme une obligation insupportable où ceux qui
m’obligeaient à me lever ne tenaient pas parole, n’étaient pas à la hauteur du
fait que je me levais - un peu - pour eux; je suis restée allongée. Ma main a
caressé doucement ma hanche et s’est glissée entre mes jambes. Une autre pensée
m'est venue: « Pourquoi le faire toute seule?" J’ai appelé A., le
copain que j’avais rencontré la semaine précédente; il est venu se glisser sous
les draps avec moi, juste avant d’aller à son travail. Car lui était sûr que
ceux qui l’avaient fait se lever allaient tenir parole; ça le faisait tenir
debout; c'est ce qu'il a dit…."