Une amie me fait part de sa "déprime" d'avoir écouté des commentaires fades sur le rouleau d'Esther dans une synagogue… Je lui ai conseillé un commentaire plus pointu: "Esther. Anatomie d'un miracle", dans mes Lectures bibliques[1]. Elle dit avoir vu deux érudits s'arrachant des poils de la barbe en polémiquant sur le thème: "Pourquoi n'y a-t-il pas le nom de Dieu dans le rouleau d'Esther? ni d'allusion à la terre d'Israël?".
Or c'est faux. Il y a une allusion au divin, lorsque Mardochée dit à Esther que si elle se tait, pour protéger sa position, alors le salut viendra aux Juifs d'un Autre Lieu (le Lieu, le Maqom est un autre nom de YHVH); le fait qu'il soit "autre" est bien le minimum qu'on puisse en attendre.
Quant à l'allusion à la Terre d'Israël, il y en a une quand le Texte évoque Yékhonia, Roi de Juda; allusion claire; vu qu'en outre ce royaume, "davidien" avait pour capitale Jérusalem.
C'est vrai que bien des dévots sont un peu perdus dans cette histoire par manque d'indications claires de "Dieu", ne voyant que ce manque est lui-même une invitation à penser plus loin, de façon plus profonde, l'essence du divin.
Et ce manque fait aussi perdre la tête à des laïcs puisque j'apprends qu'un journal israélien fait tout un plat de la reine Vashti: il en fait la championne du féminisme, parce qu'elle n'a pas voulu répondre à la demande du roi. C'est insultant pour le féminisme: suffit-il d'être dans le refus pour être "vraiment femme"? Du reste, il se peut que son refus soit simplement de la fatuité; ou en termes plus pédants: du narcissisme. En tout cas, la transmission s'en est réjouie: sans la chute de Vashti, pas d'Esther… Ces bons lecteurs "laïcs" sont obsédés par les religieux qu'ils détestent, au point qu'ils se mettent à leur ressembler. En ayant leur raideur à eux.
A la lecture dévote de la Bible, ils opposent leur lecture "terre à terre" ou vulgaire. Or l'entre-deux est plus riche.
Cela dit, certains ont une telle rage contre les leurs, contre leur groupe ambiant (leurs parents, leur famille, leur histoire… qu'ils sont prêts à dire les pires bêtises pour se convaincre d'en être libre, et d'avoir pris quelque distance. Cela aussi, c'est très humain.
Tout comme on a vu des écrivains israéliens, au Salon du Livre, étaler un certain mépris de la transmission symbolique (et une vraie méconnaissance). Cela invite à faire la différence entre un écrivain de talent et un écrivain qui outre le talent possède l'intelligence du cœur, c'est-à-dire un certain sens du symbolique.
[1] . Odile Jacob, 2006.