Les Responsables délinquants demandent en fait qu’on les arrête
Beaucoup de délinquants, petits ou grands, demandent en fait qu'on les arrête, quand la dérive de leur symptôme les angoisse trop. En un sens, DSK a provoqué ce grand ramdam pour que "ça s'arrête", "ça" étant son addiction incontrôlable au féminin-disponible. Est-ce que ça s’est arrêté ? Qui sait ?
Un ami m’a suggéré que les cris et les menaces du dictateur Nord-coréen voulaient dire en fait: "Arrêtez-nous! Prenez-nous en charge! On n’en peut plus! On crève la faim avec nos fusées nucléaires; vainquez-nous et qu’on puisse se reposer."
Mais revenons à notre petite France, où le ministre du budget vertueux a peut-être voulu, lui aussi, que "ça s'arrête". C'est fréquent, lorsque le conflit intérieur est trop fort entre ce qu'on fait et ce qu'on dit.
En un sens, Gilles Bernheim a suggéré qu’on le démissionne, et que ça s'arrête; c’est qu’à la fin il y est allé fort: avoir transcrit des pages entières d'un livre récent dans sa plaquette sur le "mariage homosexuel", témoigne d'un acte manqué compulsif quant au plagiat.
Son affaire a blessé beaucoup de Juifs pour qui c’était un représentant. Le monde juif est très sensible aux signes de reconnaissance qu'il affiche face aux autres. La reconnaissance lui a été si longtemps refusée, qu'il souffre lorsqu'un de ses responsables en donne des signes qui se révèlent faux.
Mais on peut espérer qu’au-delà de cette blessure, une remise en question ait lieu concernant le culte des titres, des parades honorifiques, des postes en vue, etc., grâce auxquels des braves gens nourrissent leur Moi sur le dos d’une identité qu’ils exploitent au mieux. G. Bernheim, inconsciemment, a incarné ce point de souffrance du peuple juif où ce qui est recherché plus que tout, c’est l'aval des autres, mais pour lequel on paie le prix. Quand une personne triche là-dessus, c’est fort triste pour elle et cela insulte ceux qui paient le vrai prix. Mais la communauté peut profiter de l’épreuve, si cela peut mettre dans la tête de beaucoup, que les titres honorifiques, il n'y a pas à en faire le culte. Toute identité comporte déjà assez de triche et de semblant pour qu'il n'y ait pas, en plus, à tricher sur l'identité. Si le hasard montre que le titre qu'on exhibe est bidon, c'est plutôt un bon appel de vérité qui traverse le semblant. D'ordinaire, la toilette identitaire consiste à masquer les tâches, nier les manques, truquer les déficits. Peut-être faut-il autre chose: faire rupture régulièrement avec l'idole que l'on devient, ou avec l'idolâtrie que l’on suscite, lorsqu'on finit par se prendre pour ce qu'on est.
Curieusement, on pèche souvent par là-même où l’on prêche; et le rabbin a ignoré la troisième des "Dix Paroles", celles des Tables de la loi. Elle dit de ne pas user du Nom pour le mensonge. En version religieuse, cela concerne le Nom divin, à ne pas profaner. Mais en version laïque, plus profonde, cela veut dire: ne pas nommer les choses et les êtres de façon mensongère: par exemple, ne pas mettre son nom à la place d’un nom d’auteur (plagiat), ou ne pas se faire nommer par un titre qu’on n’a pas. Se mal nommer, c’est mal-dire (ou médire ou mau-dire) sur soi-même. Le Nom, c’est le pouvoir de bien nommer, de façon juste, les êtres et les choses. Mal en user, c’est abuser du Nom, c’est le dévaloriser, et comme le dit Camus, c’est ajouter aux malheurs du monde.
Ce n’est pas qu’un Responsable politique ou religieux doive être impeccable (exigence totalitaire et absurde), c’est qu’il ne doit pas faillir à l’endroit même où c’est très douloureux pour ceux dont il "répond".
Cela dit, quand on pense que d’importantes identités, politiques ou religieuses, sont tenues ou verrouillées par des braves gens qui répondent à peine d’eux-mêmes, on se dit que l’épreuve de vérité, qui fait passer de l’identité à l’existence, demandera beaucoup de temps et de chance.