Tout le monde veut la vérité, en principe, si elle ne fait pas trop mal ; et quand on l'évite, on a la vérité de cet évitement, elle n'est pas sans intérêt non plus.
Un exemple massif, depuis des années en Europe, c'est de répéter: il n'y a pas de violence dans les fondements de l'islam ; si des violents s'en réclament c’est des cinglés.
Aujourd'hui, on a une variante du même thème : il n'y a aucune vindicte antijuive dans les fondements de l'islam (dans ses textes fondateurs). Eh bien soit, admettons les : il n'y a pas de violence et pas de vindicte contre les juifs ou les chrétiens dans le Coran ; c'est dit, et ceux qui contredisent ces deux vérités sont des mauvais, des méchants ; tiens, des islamophobes.
Devant ce petit concert, la vérité s'éloigne un peu froissée, en bougonnant : tout de même… tout de même…
Et voilà qu'un homme généreux court vers elle et veut la consoler : « Vous savez, dame vérité, ce qu’ils veulent dire, c’est que : à partir d'aujourd'hui, il n'y en a pas, il n'y a pas de violence dans les fondements de l'islam ; ils veulent dire : on ne veut pas qu'il y en ait ; c’est cela, ils ne veulent plus qu'il y en ait. C'est un vœu, vous comprenez ? »
La vérité essuie ses larmes et reprend ses esprits : « Mais alors, il faut que tous le disent pour que ça devienne vrai; pour que le vœu devienne une réalité. – C’est exact, dit l'homme, vous avez bien compris : si on ment tous ensemble, vraiment tous, cela ne contredit plus la vérité, cela en crée une nouvelle, qui est le contraire de la précédente. N'est-ce pas un beau retournement ? La vérité était un vœu, et voilà que le vœu peut devenir une vérité ! »
La dame a repris son regard clair et malicieux : « Certes, une vérité est relative à l'instant où elle s'énonce ; et celle que vous dites peut demander beaucoup de temps pour produire son instant de vérité. – Mais je on a tout notre temps ! - Est-ce vrai ? Et en attendant? Si par exemple on doit faire taire ceux qui ne voient pas que c'est un vœu ?… - Oui, c'est un peu dur, ça fausse beaucoup de choses, mais on ne peut pas dire à la ronde que c'est un vœu, ça fout par terre la mise en scène. - Et vous le connaissez, vous, le metteur en scène ? - Ce n'est pas une personne, c'est le désir d'avoir la paix, de vivre un peu tranquille les uns avec les autres. C'est l’envie de se libérer du passé sans avoir à le reconnaître, à s'expliquer avec.- Voilà donc un joli paradoxe : en attendant d'y arriver, et de créer la vérité qu'il faut pour ça, on sacrifie la vérité. C'est tellement tordu qu'il y a des chances pour que ça marche. »
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