Le monde islamique est resté très adhérent à son identité, définie par ses fondements, lesquels comportaient envers les autres, les "Gens du livre" (juifs et chrétiens), une posture très agressive, qui fit la force irrésistible de ses armées, l'ampleur de son expansion et de sa culture; qui fit aussi sa stagnation au fil des siècles; et qui fait aujourd'hui sa dissension avec le monde occidental (en même temps que sa dissension interne, parfois sanglante, entre fondamentalistes et laïcs, ou entre fondamentalistes de tendances opposées).
Cette posture agressive initiale, qui consiste à montrer que l'autre se contredit, qu'il est infidèle à ses propres principes, bref qu'il n'est pas bon, donne aux fidèles, dans un premier temps, un vrai confort identitaire ; jusqu'au moment où la rencontre avec cet autre et avec la réalité leur montre que eux non plus ne peuvent éviter la contradiction. C'est ce qui apparaît aujourd'hui : l'islam identitaire proche des fondements se bat avec ceux des siens qui, dans son propre territoire, veulent vivre leur existence sans la cadrer sur ces fondements; et il est aux prises, au dehors, avec l'Occident que ces mêmes fondement fustigent.
L'interface physique où se situe cette épreuve, dépasse l'islam d'Europe , et offre un bon espace d'observation qui fait l'objet de ce livre : islam, phobie, culpabilité. Où l'on montre que l'Occident, notamment l'Europe, a développé une stratégie perverse à base de culpabilité : où elle semble encaisser les reproches qu'on lui fait, et qu'elle redouble elle-même selon ce que j'appelle une éthique de la faute: où l'on se croit d'autant plus supérieur qu'on s'affiche plus fautif. Le résultat est qu'elle enfonce les musulmans dans leur cadre identitaire alors même qu'ils essaient d'en sortir; et qu'elle impose aux siens une vraie censure, s'agissant des problèmes d'entre deux cultures, pour n'avoir pas à évoquer la question des fondements.
Le livre explore donc les issues possibles pour qu'une identité complète, qui fait peu de place au sujet et à l'autre comme tel, puisse quand même le rencontrer et accéder comme les autres à sa propre faille existentielle. Laquelle se fait déjà sentir à travers les déchirements consécutifs aux "révolutions arabes"; qui ont le mérite de montrer que la faille et l'ouverture sont internes, et ne sont pas imputables à l'autre, à l'étranger.
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