Ce matin, en écoutant les demandes suppliantes des Peshmérgas d’Irak pour que la France et l'Amérique leur donnent des armes à la hauteur de celles des djihadistes, j'ai aussi entendu que le ministre français des affaires étrangères tentait, pour cela, de « mobiliser l'Europe ». Et je me suis dit qu'il allait avoir du mal : 28 Etats à mobiliser, c’est lourd. Et cela rappelle ce besoin compulsif de l'Europe : s'adjoindre de nouveaux Etats, s'agrandir, en partant du principe que si à 13 ou 15 on a du mal à décider, à 28 ou 30 cela devrait aller mieux. De fait, l'Europe se retrouve expansionniste, au mauvais sens du terme. Certes, elle n'en est pas à conquérir militairement des territoires, mais elle en est à se les adjoindre contre toute logique gestionnaire, froissant parfois d'énormes susceptibilités, comme celle des Turcs par exemple, (la fameuse entrée de la Turquie en Europe), ou des Russes (l'affaire d'Ukraine est un chef-d'œuvre de mauvaise foi : l'Europe a voulu se l'intégrer, comptant sur un petit coup d'état, mais sans compter avec les Russes et les pro-russes qui ne vont pas se laisser faire.)
Mais du coup, il y a une sorte de justice : l'Europe s'agrandit pour être puissante, et son agrandissement même la rend lourde et impuissante. Il n'y a pas de grand problème extérieur où elle ait pu intervenir avec succès. Même naguère, en Bosnie et au Kosovo, à mille km à peine de Bruxelles, en plein massacre, c'est l'OTAN qui est intervenue, c'est-à-dire l'Amérique. Les instances européennes finissent par se mobiliser, et quand elles sont enfin prêtes, c'est trop tard ; elles interviennent pour consoler ; oubliant qu'il y a des pertes dont on ne se console jamais. L'Europe veut être grosse et grande pour pouvoir dire aux USA (son double obsédant): vous avez tant d'habitants, vous produisez tant d'acier, de voitures, etc., mais nous avons une fois et demie voire deux fois plus, nous produisons tant d'acier, tant de voitures, et tant de, etc. Mais une fois que c’est dit, quel pouvoir cela donne-t-il ? Mis à part de se rengorger dans l'idée de puissance, sachant que dans les faits on est vraiment impuissant. Même à l'intérieur, c'est-à-dire chez soi : si ça demande beaucoup d'efforts pour mobiliser l'Europe afin qu’elle aide, en Irak, à stopper l'islamisme, cela en demande aussi de mobiliser la France contre les agressions islamistes sur son sol. Par exemple contre les attaques de Juifs et de synagogues. Il vaut mieux alors tenir des discours fermes, très fermes, comme le fait le premier ministre, cela demande moins de courage que d’envoyer des flics en force pour arrêter les agresseurs, ou pour faire fi des menaces d’ameutement dans certains quartiers où l'on préfère la charia à la loi républicaine.
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