Les héros se font rares. Certes, il y a tous ces jeunes qui se lancent dans le djihad pour tuer des mécréants ; est-ce héroïque, ou simplement dangereux ? C'est bête à dire, mais si la cause pour laquelle on prend des risques promeut des forces de mort, ou vise à opprimer des gens, il n'est pas héroïque de la défendre. Du coup, je repense au quatrième avion du 11 septembre 2001 : les trois précédents avaient atteint leur but, ils ont détruit les Twin Towers et le Pentagone. On imagine, dans chacun, les passagers, croyant d’abord à un détournement d'avion, espérant des négociations, puis soudain pétrifiés devant le crash, l’œuvre des « héros » djihadistes. Mais ceux du quatrième avion ont appris la nouvelle, et se sont révoltés ; leur appareil s'est écrasé dans la forêt, preuve qu'il y a eu un combat. Un passager a dû se lever, suivi par un ou deux autres, et sans doute par la masse des autres, à qui ce premier geste a donné du courage. Les premiers qui se sont levés ont été des héros, nullement préparés à l’être ; des héros d'un instant, mais l'héroïsme n’était requis et n’avait de sens qu'à cet instant. Après, la foule s’est libérée, et les tueurs débordés furent réduits à ce qu'ils étaient : une force infime qui ne doit son pouvoir qu’à la terreur, et au fait que les autres respectent les règles de la décence, qui demandent qu'on reste à sa place. (Les tueurs et preneurs d'otages comptent beaucoup sur le sens de la loi et de la décence chez leurs victimes ; sur le fait qu’ils savent « se tenir », qu’ils ne sont pas dans l’ameutement, lequel serait pourtant salutaire.) Les premiers passagers qui ont brisé cette absurde convention – de la « bonne tenue » - ont été deux fois héroïques : ils ont risqué leur vie alors qu'ils la savaient perdue. Ils voyaient bien que l'avion allait à sa perte, qu'ils étaient morts, et du fond de cette mort, ils ont trouvé un sursaut de vie pour se donner une dignité en tant que «morts » mais vivants ; pour empêcher les fous d’Allah de les tuer une deuxième fois. Ils se sont redonné une vie pour la risquer ; vivant ainsi jusqu’au bout le risque de la perdre.
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