A l'occasion de la mort de Lévi-Strauss
voici, un extrait du roman:
Marrakech, le départ
où le narrateur, venu à Paris vers l'âge de 13 ans découvre Lévi-Strauss via Tristes tropiques à 15 ans:
(p. 207) - C'est vrai, je suis venu en France dans un état de grande douceur et de révolte intégrale; dans un amour de la loi et une totale méfiance envers ceux qui l'appliquent. Très marqué par Marrakech où j'ai vu de tous côtés ceux qui jouissaient sur notre dos au nom de la loi, et souvent au nom de Dieu.
A la fin de la seconde, j'ai tous les prix (sauf en gym), une bonne douzaine de livres que j'ai choisis avec le prof lors d'un achat pour toutes les classes. L'un d'eux, Tristes tropiques, était dur, mais je me suis forcé: "Vas-y, les tribus d'Amazonie, c'est là qu'est le secret. C'est bien au-delà de Marrakech…". Cette connaissance supérieure, j'étais sûr qu'elles l'avaient. Mais d'où ça leur est venu? La question m'est restée dans la gorge, sans réponse. Quelques mois plus tard, un dimanche, je reviens de Boulogne rendre visite à mes parents, et le long de la Seine, je vois chez un bouquiniste ce nom bien en vue: Lévi-Strauss. (Je croyais être seul à le connaître.) Je bondis comme si c'était un de mes intimes qu'on exhibait. Comme je ne peux pas acheter le livre, je m'installe dans un coin pour le lire: c'est affreusement difficile, mais pas question de lâcher. Après tout, si je lis en hébreu comment l'agneau ou la colombe du sacrifice doivent être préparés, je dois pouvoir lire ces choses barbares mais, paraît-il, essentielles. Déjà le titre est du chinois: Anthropologie structurale… Je m'obstine, j'avance comme dans une forêt pleine de lianes - des "filiations", des "structures" (c'est quoi, ça?). Et le soir, je repars énervé, frustré. Je suis resté quatre heures sur un caisson. J'ai quand même l'impression d'avoir accroché une idée, une idée floue et bizarre qui m'est restée, sur le "secret" de la parenté. Ce secret c'est qu'on dit: voilà ceux qu'il faut épouser. Alors que chez nous, dans notre petit monde biblique, on dit le contraire: voilà ceux qu'il ne faut pas épouser, ceux dont il ne faut pas "dévoiler la nudité". Je connais par cœur le passage de la Torah qui aligne les interdits, les femmes interdites. Et toutes les autres sont permises; toutes les femmes, sauf quelques unes, on peut les approcher, peut-être même les toucher, si elles veulent bien. Il se trouve qu'elles ne veulent pas, je ne sais pas pourquoi, toujours pas. Mais l'idée qu'on doit épouser certaines pour faire "circuler les femmes" m'a sidéré. Alors j'ai douté de ces tribus lointaines: elles ne détiennent peut-être pas le secret de l'homme, le secret de ce que nous sommes. Oui, d'où ça leur viendrait? Puis j'ai glissé dans l'excès inverse: ces tribus, c'est des pauvres gens qui essaient de survivre en se racontant des belles histoires qu'on appelle des mythes. Nous aussi on s'en raconte, notre Livre en est plein, mais nos histoires ont mieux marché, voilà tout. Bref, j'abandonne cette affaire - la "structure" de l'humanité, rien que ça. J'imagine mon père en djellaba noire, et un jeune passe, un des leurs, qui lui fait sauter son tarbouch, et un "anthropologue" vient dire que ce n'est pas bien, qu'on a tous la même structure; et l'autre dirait comme moi: c'est quoi, la structure?... Et on y est soumis d'avance ou il faut s'y soumettre?
Oui, je laisse tomber cette histoire, d'autant qu'à la maison Le Capital m'attend, j'en suis au premier volume et je veux savoir de toute urgence la quantité de plus-value qu'il y a dans une toile de coton.
Le Secret, personne ne l'aura jamais.Celui de l'Univers ni a fortitori celui de l'homme. Ce n'est pas une raison de "croire en Dieu" comme un débile mental/affectif. La science c'est ce qui marche, et ce qui fait avancer. Vraiment. Vers quoi? Mystère. La Connaissance... Qui se suffit à elle-même...Qui remplit le Narcissisme humain autant qu'elle agrémente son confort; ou son inconfort.
Toutes ces prétentions "structures, parl-être, Das Kapital, et autre "fantasies"; ne sont qu'attrape-nigauds (de soi-même...? et d'autrui); nécessaires au "Cirque sociétal". Nul, scientifiquement et déjà obsolète, dès qu'apparu....
Rédigé par : Kritik | 08 novembre 2009 à 04:12
On peut croire en Dieu ou en autre chose que la science (ou le progrès)sans être un "débile" (au sens de faible?); on peut aussi croire en la science pour autre chose que pour s'en remplir. Je trouve ce jugement, Kritik, très dur (et tragique) envers soi-même et envers autrui : la relation humaine, l'art, appréhendés par d'autres biais que scientifiques, ne seraient aussi "que" des attrape-nigauds ? Sans fantaisie (ou de duperie), pas d'amour, et quelle transmission ?...Faites de la place à un entre-deux (et si,avec plus de nuances, ça marchait aussi?)
Rédigé par : mtourn | 08 novembre 2009 à 13:46