L’inconscient de DSK a fait deux actes manqués géniaux : l’un, faire dire par son symptôme, pas par lui, qu’il ne veut pas la présidence ; l’autre, faire pointer son symptôme d’addiction par une foule quasi planétaire, dans l’espoir d’en être libre une fois pour toutes.
Pour le premier acte, il est clair que DSK ne pouvait pas exprimer lui-même son retrait au peuple de gauche qui espérait en lui. Celui-ci a déjà eu de douloureux précédents : le retrait de Jacques Delors au dernier moment, le retrait de Jospin, à un autre moment critique. Un autre retrait aurait eu valeur de malédiction sur cette cause. Il « fallait » donc, pour le candidat porteur d’espoir, inventer une scène en acte, une chute, qui fasse dire aux autres : Non, décidément, il ne peut pas. Dommage ! Dommage ! C’est ce qui s’est passé. DSK n’a pas monté le coup, c’est plutôt son inconscient qui l’a fait tomber sous le coup, en s’appuyant sur un symptôme très puissant, l’addiction aux femmes. Le fait que lui-même ait prévenu peu avant que c’était le seul obstacle possible sur la voie de sa candidature, ajoute du sel à la chose (et sur la blessure) : on a beau être prévenu, de tels symptômes font leur travail quand même, à la faveur d’une occasion qui peut bien comporter un aspect « coup monté », lui-même prévisible, mais qui ne peut pas tout expliquer.
Quant au second acte manqué, et bien sûr réussi comme tous les actes de ce genre, il a consisté à produire cette scène gigantesque, mondiale, où tous, même les plus proches et les plus amicaux, devaient le pointer comme fautif. Même ceux qui comprennent qu’après tout c’est sa vie privée, que cela n’empêche pas d’être un grand gestionnaire, un politique avisé, un serviteur de son pays etc, même ceux-là devaient se rendre à l’évidence : Il n’aurait pas dû : chose que lui-même a reprise : Je n’aurais pas dû. J’ai fait une faute morale. L’espoir est qu’avec cette mobilisation – unique dans l’histoire d’un addict – l’addiction puisse céder. C’est aussi ce qu’il a affirmé : Je ne recommencerai plus, c’est fini. Espérons. Bien sûr, un bon travail psychanalytique aurait fait l’affaire, mais il faut savoir que ces hautes personnalités (politiques, financières…) répugnent à demander de l’aide à un bon analyste qui n’est après qu’une personne ; c’est trop éprouvant pour leur amour propre ; mieux vaut laisser courir, et en l’occurrence, obtenir l’aide du Destin quand il frappe un grand coup. Quand il ne frappe pas, ça court toujours, et ils préfèrent être soutenus et managés par des experts en relations publiques, qui briquent leur image sans toucher à l’essentiel.
Quant à sa femme, Anne Sinclair, rien n’est plus clair que sa position : elle est riche, belle, intelligente, elle a « tout » pour être heureuse, elle a un homme qui l’aime et qu’elle aime, et elle s’offrait jusque là au quotidien un concours de féminité d’où elle sortait victorieuse de toute autre femme, de toutes celles qui se leurrent, qui se laissent avoir par son homme, qui croient tout ce qu’elles veulent ; elle sait que l’Objet phallique merveilleux, l’homme, lui revient, et son retour vers elle, à chaque fois, signe l’éviction de toutes ces petites naïves, qui sortent de l’image, pour laisser le cadre intacte où la reine peut se mirer. Comme dans Blanche-Neige, quand le miroir répond : C’est toi la plus belle ! la plus femme. Les autres, c’est des « nulles ». Le miroir ne se casse que lorsqu’une autre, réellement chargée d’amour, donc d’une beauté supérieure, y apparaît. Mais ce cas de figure n’est pas prévu.
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