Encore un mot sur cette forte parole de la parasha précédente "Tu aimeras pour ton prochain comme (pour) toi-même". Ce "pour" transforme une scène qui serait duelle, toi et ton prochain, en une scène à trois : toi, ton prochain, et l'évènement qui arrive; donc toi, ton prochain et les secousses d'être, les aléas de votre présence dans l'être à tous les deux. On sait que d'autres ont au contraire creusé l'aspect miroir de cette relation entre moi et l'autre, avec toutes les variantes qu'on devine : je m'efface devant lui et dans cet effacement je l'absorbe en moi puisque c'est moi qui mène l'opération, etc. Toutes choses perverses ou naïves, balayées par ce "pour" qui signifie : partagez l'événement qui vous arrive avec équité, ne gardez pas le mieux pour vous et le pire pour l'autre.
Venons-en à cette parasha de émor; ce mot signifie : dis; dis aux prêtres, fils d'Aaron, etc. Et le dire en question concerne le rapport au deuil et à l'impureté due au contact avec le mort. Le prêtre ne doit pas perdre sa pureté par un tel contact. La pureté n'a pas un sens absolu, ce n'est pas être absolument propre (?); ici, c'est ne pas toucher à ce qui est "mort", au sens large du terme. On traîne avec soi beaucoup de choses mortes, et il s'agit de ne pas trop s'y compromettre ; de se protéger de leur contact. En revanche, pour ses parents, pour son père et sa mère, le prêtre peut perdre cette pureté, qu’il retrouve en se purifiant. Le prêtre oui, mais pas le grand prêtre : même pour son père et sa mère il ne le doit pas, car il a reçu l'onction, l'huile consacrée; il présente les offrandes, il est l'intercesseur, il ne peut pas porter le contact avec un mort, fût-il un très proche. Le sens actuel de cette parole, c'est que si on intercède, si on s'expose à cet état limite de l'être qu'on appelle le divin, dont on espère en outre un effet bénéfique, il faut en écarter le contact avec du mort, du cadavre. C'est à interpréter chaque fois, selon les circonstances.
Dans la foulée, il y a d'autres idées : par exemple, un prêtre infirme, invalide, handicapé, borgne, sourd ou avec les génitoires écrasés, ne doit pas approcher l'offrande; il peut en manger une part, celle qui lui revient, mais il ne doit pas la présenter, l'offrande. Pourquoi ? Parce qu'il a reçu ce handicap. Cela choque nos logiques actuelles, on l'on veut d'abord nier les différences, où l’on pose qu’il est borgne ou boiteux mais que c'est comme s'il ne l'était pas. Or le texte dit clairement qu'il a les même droits que les autres, mais qu'au regard du divin, sa différence est reconnue, et ne doit pas être niée. Et cela se comprend : s'il s'agit de poser l'offrande comme l'expression d'une reconnaissance, son handicap compte; il n'en est pas coupable, ni responsable, mais cela fait partie de son destin et il n'y a pas à le nier au regard du divin. Si on le nie, alors on couvre cet être d'un grand mensonge, où l'on pose que le déni qui le recouvre a la même force que son destin. Le nier serait prétentieux. Dans nos cultures uniformes ou qu'on voudrait telles, au prix d'un déni, on pose que si un évènement vous arrive et si ce n'est pas de votre faute, alors ça ne vous appartient plus, ce n'est plus dans votre vie; et c'est où, alors ? S’il lui arrive un accident, ou s'il est né handicapé, lui accorder les mêmes droits n'implique pas de nier son handicap au regard de l'être.
Il y aussi l'idée du lien entre l'offrande et le désir; si vous apportez une offrande, c'est-à-dire : si vous faites une offre dans le rapport à l'être et au divin, il faut que cela exprime votre désir, votre désir de le faire et d'être agréé, c'est-à-dire votre désir de rencontrer le désir de l'Autre. L'offrande n'est pas un rituel automatique, on ne peut pas en oublierait l'enjeu, qui est d'être agréé par l'être. Donc on ne peut pas offrir en sacrifice une bête infirme ; si l'offrande entre dans le calcul des pertes et profits, si ce qu'on offre c'est ce qui déjà n'a qu'une moindre valeur, ce geste est pris dans un calcul et sort du champ du désir, de la grâce, et de l'agrément, qui relèvent de l’incalculable.
Puis viennent les fêtes de YHVH, les « convocations saintes », c'est-à-dire les rendez-vous avec un temps défini pour être ensemble sous le signe d'une parole de l'être. Une fête, un moéd, c'est un rendez-vous, du peuple avec lui-même et avec l'être divin. Mais c'est aussi un rendez-vous avec le temps de cette fête, qui s'est marqué précédemment et qui, d'être à nouveau honoré, se transmet. C'est donc un rendez-vous avec la transmission d'un temps singulier. Dans ces rendez-vous avec l'être divin, on est aussi dans l'être-avec; l'être avec les autres ; et l'être avec le temps singulier de cette fête. Il y a des calendriers, des carnets où ce rendez-vous avec l'être divin est marqué, d'une année sur l'autre. Et la consistance de ces moments singuliers dépend de la qualité de la transmission. Pour certains, ces fêtes sont surtout des repas surabondants, pourquoi pas ? Pour d'autres ce sont s aussi des qualités temporelles uniques, différentes d'une fête à l'autre; des qualités de temps qui se superposent aux traits ordinaires d'une journée.
Et ces fêtes, ces convocations "saintes", miqraé qodésh comportent le mot miqra qui réfère à la lecture. La Bible s'appelle Miqra, signifiant que c'est à lire, donc à interpréter; et la racine du mot (qr) renvoie à la rencontre, au hasard, qui est bien sûr une figure du divin.
La première fête c'est le shabbat, et la ritournelle de ces fêtes est la même : pas de travail qui rappelle une servitude quelconque. La substance de ce temps festif c'est l'être libre, l'esprit et le corps libre, une pure disponibilité à l'être-de-vie.
Le shabbat est la seule fête qui ne comporte pas de contradictions ; chacune des autres essaie d'unir deux termes opposés, contradictoires. La Paque relie esclavage et liberté; on doit se sentir entrain de se libérer. Soukot commémore les cabanes qui furent bâties dans le désert, et rappelle donc les deux termes opposés, détresse et sécurité, angoisse et abri, perdition et retrouvailles dans ce petit chez soi fruité. Outre que ces cabanes symbolisent toutes celles qu'on peut construire dans nos vies comme des replis devant la détresse : il y a de l'abri possible dans l'insécurité (souka signifie abri; sakoh : abriter, couvrir).
Il ya le Kippour. Racine, kaper qui donne kapara; expier; expurger, exprimer le manque pour le faire sortir; le mauvais manque, surchargé de dénis et de fausses réparations. Un mot qui s'en approche c'est kaporet, la couverture, le recouvrement. Il s'agit d'un recouvrement des fautes et des manques, au sens de les reconnaitre et d'en payer l'équivalent par l'offrande en question qui s'élabore aujourd'hui du côté du mode d'être et de la parole. Le jour de Kippour est une épreuve, où en principe on se bat avec ses manques, ses ratages, ses distorsions, et les traces qu'elles ont laissées, pour tenter d'obtenir que ce soit recouvert, donc écarté; on essaye d'obtenir de n'y être pas réduit. N'être pas réduit à ses manques et ses ratages, n'être pas toujours rattrapé par leur poids qui vous met du plomb dans l'aile, c'est tout un programme. Le jeûne n'est pas un but mais un début, un moyen de mettre l'âme en détresse, de lui faire retrouver la détresse qu'elle refoule d'ordinaire, quand on évite de s'expliquer avec ses fautes et ses saloperies (ses actes où l’on ne répond de rien). Il s'agit de revivre la cassure essentielle, qui touche autant le corps que l'âme, puisqu'en hébreu c'est le même mot, néfésh. Celui qui ne vit pas cette épreuve, ce jour-là, est retranché de la transmission fondatrice de son peuple. C'est son droit, après tout, mais s'il est digne, il doit s'expliquer avec l’auto-exclusion, la mise à l'écart de soi, la solitude particulière qu’il se fabrique.
Et il y a le rappel d'autres lois, comme celle dite du Talion, dont nous nous ne répéterons pas qu'elle concerne l'équivalent du dol qu'on a provoqué. Si vous cassez une dent, on ne vous en casse pas une, on vous inflige l'équivalent (monétaire) de cette cassure. Et si c’est un riche, c’est l’équivalent pour lui de sa dent si un autre la lui cassait. La loi du Talion ouvre des abîmes de pensée sur l’exigence d’être solidaires dans le mal produit-subi.
Deux remarques supplémentaires.
L'une sur la souffrance animale, puisque dans cette paracha, il est interdit d'abattre un animal le même jour que son petit. On s'imagine qu'il s'agit de la souffrance animale au sens immédiat, généralement projectif, identificatoire ; il ne faut pas que la mère ou le père animal souffre de voir abattre sous ses yeux son enfant. Or on pourrait abattre la vache ou le bœuf, pendant que leur petit, étant avec d'autres, ne voit pas l'abattage. Il y va donc d'un argument plus profond. Dire qu'il y a une alliance de l'être avec les hommes, les animaux, les plantes…, alliance symbolisée suite au déluge, signifie que les animaux ont un rapport vivant à l'être, un ancrage dans l'être vivant qui dépasse le mécanique, le dispositif, le technique. Non seulement ce ne sont pas des machines, mais ils sont capables de désir, d'amour, de langage ( le leur), même s'il n'ont sans doute pas la pensée interprétante génératrice de création comme la pensée humaine. Cela veut dire qu'ils relèvent de la différence ontologique, entre l'être et ce qui est, différence qui se décline notamment en différence des générations. C'est cette différences qu'il s'agit de respecter, de ne pas abolir : un être vivant ne doit pas être convoqué à la mort en même temps que ce qu'il a transmis à la génération suivante. (On sait que les nazis se sont fait un plaisir de tuer en même temps les mères et leurs enfants). Le texte fait donc place à une souffrance inconsciente : si l'animal est abattu le même jour que son petit, même s'ils ne se voient pas à ce moment-là, ça se sait par l'être que la différence des générations est abolie sur un point vital. Et c'est ce que le texte refuse.
L'autre remarque concerne l'homme qui maudit le nom divin, et qu'on lapide. Toutes sortes d'exégèses s'activent autour de lui. Qu'a-t-il donc fait ? Certains disent qu'il a voulu changer la loi, d'autres qu'il a voulu changer la réalité, celle du monde ou celle de son identité (sa mère était de la tribu de Dan, et son père était égyptien, donc il n'était pas, lui, contrairement à son voeu, de la tribu de Dan, car il eût fallu que le père le fût…) Mais qu'il ait voulu ceci ou cela, mérite-t-il la mort ? C'est peut-être à l'occasion de telle circonstance que, prenant appui sur son père égyptien, il a maudit l'être divin qui justement avait extrait ce peuple d'Égypte. Le texte est sobre : il a maudit( littéralement : amoindri, allégé) le nom de YHVH. C'est là un acte précis : maudire l'être c'est renier sa propre présence dans l'être; symboliquement, c'est ne pas être, c'est arracher son ancrage dans l'être ; c'est n'avoir plus lieu d'être, c'est donc être déjà mort, enseveli, recouvert de pierres comme l'indique l'image lapidaire. Certes, pour maudire l'être qui vous fait être, (certains maudissent bien leurs parents qui les ont fait venir au monde, et c'est d'ailleurs sanctionné par le fait d'être mort, mort à quelque chose d'essentiel, d'originaire), pour faire cela, il faut être dans une haine passionnée où l'on est soi-même emporté, comme sujet et objet à la fois; c'est donc une auto-destruction, qui est simplement reconnue, exécutée par le peuple.
Ce principe général n'empêche pas de penser aux circonstances, celles qui font, par exemple, que certains juifs " partiels", qui ne le sont pas de père et de mère, se voient refuser par l'institution, c'est-à-dire par ceux qui la représentent, l'accès à la communauté ou à ses rites ( bar-mitsva, mariage avec bénédiction, etc.) Ils peuvent être saisis d'une grande colère et maudire, non pas le nom de YHVH, qui n'est pas assez concret pour eux, mais le peuple juif, sa tradition, son texte, sa transmission qui s'est refusée à eux du fait qu'ils sont partiels, alors que nul ne peut et ne doit prétendre à une quelconque totalité. C'est souvent parmi eux qu'on retrouve des indifférents hostiles ou amers, et des activistes antijuifs qui ont simplement inversé en négatif leur désir d'appartenance.
Parasha de Béhar (Lévitique 25,1 à 26,2)
On instaure ici un certain rapport à la terre, qui certes est « promise », au sens où l’on est appelé à la conquérir (car elle n’est pas donnée clés-en-mains, elle contient des habitants qui sont forts et qu’il faut vaincre, promesse et victoire étant portées par la confiance en l’être) ; mais comment être avec elle ? Dans la même dualité travail-repos introduite dès la Genèse : on la travaille six ans, et chaque septième année elle est mise au repos : "c'est un shabbat pour YHVH". La même expression que pour les hommes. On abandonne la terre, on ne la travaille pas, ce qui y pousse est offert à qui veut le prendre.
C'est là une prise de risque volontaire de tout le peuple (autrefois agricole essentiellement) : si la récolte de la sixième année ne suffit pas à tenir jusqu'à la neuvième année, une fois qu'on aura semé la huitième, ce sera une dure période. Comment qualifier ce suspens, cette entame volontaire, ce renoncement consenti dans l'exploitation de la terre ? C'est une façon de se confier au destin, au divin, au hasard. Une façon d’affirmer la présence de la terre nourricière et féconde, à travers l'abstinence, la privation, avec la confiance dans le fait d’être protégés. C'est en fait un renouement périodique de l'alliance avec l'être : (25,21) « J'ordonnerai ma bénédiction la sixième année pour qu'elle produise une récolte de trois ans ». Et si ce n'est pas le cas, cela ne veut pas dire que le peuple est rejeté; c'est simplement que la bénédiction n'est pas renouvelée cette fois là. De même pour les humains, le jour vide, le septième, voué à l'être et libre de tout travail, réaffirme l’alliance avec le temps divin, et souligne l'intensité laborieuse et créative des six autres jours, qui devrait être stimulée par cette entame.
J’ai dit que c’est une « prise de risque », mais c’est aussi, en même temps, une ouverture sur l’être, sur ce qui peut arriver, sur notre capacité renouvelée de recevoir, de chercher d’autres possibles, d’autres issues ; on ne se met pas en jachère, c’est la terre qui se repose ; nous, on a beaucoup à faire, à quoi on ne pensait pas, quand on était enfermé dans sa routine.
(Remarquons que l’ « année sabbatique », qui vient de là, et que les lecteurs protestants de la Bible ont relancée aux USA, est instaurée dans bien d’autres domaines.)
Or voilà que s'y ajoutent d'autres lois : chacun reprend possession de sont bout de terre après sept fois sept ans ; ceux qui vendent leur lopin ont le droit de le racheter, l'année du Yovél, c'est-à-dire la cinquantième année. La terre ne doit pas être aliénée de façon irrévocable.
Du coup, la valeur d'une terre, c'est celle des récoltes qu'on en tire jusqu'à l'année du jubilé. Si on achète une terre et qu'on l'a transmet à ses enfants en héritage, après notre décès, les enfants doivent se la laisser racheter par celui qui nous l'a vendue. Il y a donc deux niveaux de transmission de la terre : le niveau factuel et celui de la transmission symbolique à long terme. Celui qui n'a pas de quoi racheter sa terre attendra le jubilé et en reprendra possession. Ce mot utilisé, ahouza, est le même que pour la terre d'Israël : elle est une possession pour ce peuple, c’est pourquoi il se la transmet, et cette transmission symbolique au fil des générations refonde et renouvelle la « possession ». C’est qu’en fait, et concrètement, elle n'appartient pas à ceux qui la possèdent : tous y sont des étrangers, installés sur la terre de l'être ; la terre appartient au divin.
En revanche, celui qui vend une maison située dans une ville murée, son droit de la racheter ne dure qu'une année; s'il n’en a pas usé, il ne peut pas la reprendre lors du jubilé. Mais ce n'est pas le cas si la maison est en dehors des murs. Ainsi, la dimension urbaine, définie et circonscrite, atténue la loi du rachat ; cette dimension est double : bâtiment et mur d’enceinte ; ce n’est plus vraiment « la terre ».
Ce qui est sûr c'est que pour celle-ci, la transmission symbolique prime sur toute transaction. On ne saurait mieux dire que cette terre est sainte, en tant qu’objet de la promesse et support de l’alliance. Du coup, quand le peuple en est exilé, - c’est prévu, et ce fut le cas fréquemment, y compris suite aux massacres qu’y ont mené les Romains qui l’ont même renommée Palestine car elle leur a trop résisté -, la terre reste objet de la transmission, objet du désir de transmission ; et comme celle-ci est ce qui refonde sans cesse le peuple, la terre devient l’objet du désir d’exister.
Pour le dire autrement, le rapport à la terre, défini par la transmission, médiatisé par le rapport à l’être, fait de la terre le fragment de « lieu d’être » qu’on se transmet le long des générations. De sorte que ce peuple est plus attaché à sa terre que s’il y était né ; son lien à elle va chercher aux racines par lesquelles la terre est un lieu d’être pour tout un chacun ; mais la plupart l’oublient car ils ne sont pas tenus ou tirés aussi fort que par ce fil de la transmission, qui est aussi celui du texte. C’est pourquoi il y a peu de chance pour d’autres peuples d’installer dans ce lieu leur souveraineté. (Simple exemple : jusqu’à présent, Jérusalem n’a été la capitale d’aucun Etat.)
Voyons d’autres lois. Si ton prochain déchoit, il faut l'aider; l'aider à rester dans le jeu social, à ne pas en être exclu. De même si deux hommes font une transaction ils ne doivent pas se léser; l’un ne doit pas tromper l’autre ; le profit pour chacun doit venir de la richesse que dégage leur rencontre, ou qu'ils rendent possible, et non du fait que l'un est floué par l'autre. Le texte sait bien que l’appât du gain est tel, que l’un voudra gagner plus en trompant l’autre ; et le texte dit « non » ; sans illusion mais fermement. Tout comme il n’a pas d’illusion sur l’interdit de prêter avec intérêt aux gens de son peuple. Mais il le pose, et chacun en fera ce qu’il pourra. J’ai vu des cas où un homme religieux dit à son frère : « je ne peux pas te prêter, car la loi m’interdit de le faire avec intérêt ; et le faire sans intérêt serait absurde ».
Une loi fait ici question : si ton frère se vend à toi faute de ressources "ne lui impose point le travail d'un esclave [...] Comme salarié et comme hôte il servira chez toi jusqu'à l'année du jubilé". Après quoi il sera libre et retournera dans sa famille, recouvrer le bien de ses pères. Or il est dit ailleurs que si l'on achète un esclave hébreu, il travaillera six ans et la septième année il est libre. On fait donc la différence entre l'achat d'un esclave à un marchand et l'acte par lequel un homme libre se vend comme esclave à son « frère ».
On apprend en passant, dans cette loi, que le « salarié » est une personne qui a été obligée de se vendre ; mais ici, elle peut faire appel à ses proches pour la racheter (de quoi réactiver les liens, ou les mettre à l’épreuve) ; et en ultime recours, elle a la liberté du Jubilé.
Il est remarquable que l'année du jubilé soit signalée par le son du shofar le jour de Kippour. En même temps que les hommes se libèrent de la culpabilité accumulée, ceux qui se sont aliénés se libèrent de ce lien, ceux qui ont aliéné leur terre la récupèrent; il y a là comme une recharge de liberté. D’ailleurs, c’est le mot d’ordre : « Vous crierez liberté (dror) pour la terre et pour ses habitants ». A chaque période de cinquante ans, on efface l'aliénation au manque, à la faute, à la perte; on reprend le départ, non pas à zéro : on repart de l'origine.
09 mai 2014 | Lien permanent | Commentaires (0)
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